Contes de Mollah Nasreddine
Contes de Mollah Nasreddine
L’ouïe fine
Un jour que Tamerlan (Timour Leng) s’ennuie :
— Nasreddine, dit-il à son familier, j’ai envie d’entendre de la musique. Va chercher un instrument et joue-moi quelque chose.
— Ô seigneur du monde, est-il quelque chose que je ne ferais pour te divertir ? acquiesce l’autre.
Et il apporte un oud, s’assied sur le tapis et se concentre, puis il attaque un morceau, entendez qu’il déplace les doigts de la main gauche sur le manche, tandis que de la main droite, il fait le geste de gratter les cordes, La sagesse du simple mais sans même les effleurer.
Au bout d’un moment, Tamerlan s impatiente :
— Allons, Nasreddine, assez de préparation. Joue maintenant.
— Mais je joue, mon maître, je joue. Seulement, je joue très doucement.
— Trop doucement, on n’entend rien!
— C’est à cause du moucheron. Ne l’entends-tu pas bourdonner là-haut ? C’est lui qui couvre le son de mon instrument.
— Je ne l’entends pas non plus.
— Dans ce cas, conclut Nasreddine en se levant, inutile que je continue. Tu n’as pas l’ouïe assez fine pour ma musique.
La ponte
Une fois, quelques chenapans décident de tourner Nasr Eddin en ridicule, en lui jouant un bon tour au hammam. Ils commencent par se munir discrètement d’un œuf chacun et, tandis que Nasreddine se lave dans son coin à grands coups de bassines d’eau chaude, l’un des jeunes gens propose un jeu:
— Nous allons jouer à celui qui pondra. Le gage, si on n’y arrive pas, sera de se mettre tout nu devant tout le monde.
Les compères entreprennent alors de tortiller du croupion en gloussant comme des poules, et chacun pond son œuf.
Aussitôt, Nasreddine, laissant tomber son pagne, et poussé par un désir sans équivoque, se lance à la poursuite des garçons. Ceux-ci, à la fois effrayés et scandalisés, poussent les hauts cris:
— Nasreddine, as-tu perdu la tête ? Ô Protecteur de la Vertu, assiste-nous!
— Allons, mes cocottes, calmons-nous! S’exclame alors Nasreddine. Comment pourrez-vous pondre encore une fois si vous ne laissez pas le coq vous monter ?
Comment retrouver l'âne dans le noir ?
Nasreddine est parti en voyage avec son âne. En chemin, il s'arrête dans un caravansérail. Il attache son âne dans le lieu réservé aux bêtes, il dîne et se met au lit tôt pour pouvoir se réveiller très tôt. Il veut repartir avant l'aube.
Le lendemain matin, lorsqu'il se réveille, il fait encore nuit. Quand il sort prendre son âne, il n'arrive plus à reconnaître son animal dans le noir. Il réfléchit quelques instants, puis se met à crier :
- Au feu ! Au feu !
Les autres voyageurs du caravansérail prennent peur en entendant les cris de Nasreddine. Ils sautent de leurs lits et sortent. Chacun prend son âne et quitte le caravansérail.
C'est ainsi que l'âne de Nasreddine demeure seul.
Nasreddine monte sur son dos et s'en va tranquillement.
Le noyé
Un jour, Nasreddine passe à côté du fleuve. Il voit un groupe de gens. Il s'approche et voit un homme qui est en train de se noyer tout près du bord du fleuve. Les gens lui crient :
- Donne-nous ta main ! Donne-nous ta main !
Mais l'homme continue à avaler de l'eau et à faire des gestes dans tous les sens. Il n'écoute pas les conseils.
Nasreddine reconnaît son voisin tout de suite. Il dit aux autres personnes :
- Poussez-vous ! C'est mon voisin. Je le connais bien. Il est tellement avare qu'il ne donne jamais rien, même pas sa main.
Nasreddine s'approche de l'eau et crie :
- Voisin ! Prends ma main !
Alors, le voisin attrape la main tendue sans une hésitation et Nasreddine le sauve de la noyade.
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Si elle n’était pas morte
Nasreddin Hodja, de retour à Konya après une courte absence, apprit le décès de sa
femme. Avec sa philosophie habituelle, il dit aux amis attristés pour lui :
— Si elle n’était pas morte, j’aurais divorcé.
09. La vallée inondée
Nasreddin Hodja venait à Aksehir pour la première fois. Il n’avait encore jamais vu de
lac.
Contemplant le paysage, il dit :
— Bel endroit, dommage que la vallée soit inondée !
20. Roi ou paysan ?
On demanda à Nasreddin Hodja :
— Qui est le plus puissant ? Le roi ou le paysan ?
— Le paysan.
— Pourquoi ?
— parce que si le paysan n’existait pas, le roi mourrait de faim.
26. Pour arriver à temps
Un jour, Nasreddin Hodja monta sur son âne et se mit en chemin pour un village
inconnu.
Ses amis lui demandèrent :
— Où vas-tu ?
— Je vais à la prière du vendredi.
— Mais nous ne sommes que mardi !
— C’est exact, mais avec cet animal, je ne sais pas si j’arriverai à temps pour la prière du
vendredi !
33. Ah ! Jeunesse
Nasreddin Hodja voulait monter un cheval assez nerveux. N’y parvenant pas, il secoua
la tête.
— Ah ! Jeunesse, je deviens vieux.
Puis il regarda autour de lui et voyant qu’il était seul, il marmonna :
— Même jeune je ne valais rien.
40. L’odeur de son imagination
Nasreddin Hodja était seul chez lui et imaginait qu’il se préparait un bon petit plat : un
poulet avec lequel il faisait un bouillon bien assaisonné. Il n’avait pas encore mis les pieds
dans la cuisine, qu’on frappa à la porte. Un gamin, un bol à la main lui dit :
— Excuse-moi, Hodja, ma mère est malade. Je suis venu te demander un peu de potage.
Abasourdi, Nasreddin pensa : « Mes voisins parviennent à sentir jusqu’à l’odeur de mon
imagination ! »
44. Les fins du monde
Un ami demanda à Nasreddin Hodja quand viendrait la fin du monde.
— Laquelle ? La petite ou la grande ?
— Mais, Hodja, combien, y a-t-il de fins du monde ?
— Mon cher, il y en a deux : le petite quand mourra ma femme, la grande quand je mourrai,
moi.
52. Deux hommes mais une bouteille
Une des épouses de Nasreddin Hodja louchait. Un soir, en montrant la bouteille d’eau
posée sur la commode, elle dit à son mari :
— Donne-moi une des deux bouteilles.
— Femme, j’accepte que tu voies deux bouteilles au lieu d’une. Mais je ne voudrais pas que
tu voies deux hommes dans ton lit au lieu d’un
.93. Je l’ai retiré et ça m’est passé
Quelqu’un demanda à Nasreddin Hodja :
— J’ai mal à un oeil, que dois-je faire ?
— Ecoute, lui dit calmement Nasreddin. Une fois j’avais mal à une dent. Je l’ai retirée et ça
m’est passé.
57. Un an après
On demanda à Nasreddin Hodja :
— Qui est le plus âgé ? Ton frère ou toi ?
— A vrai dire, répondit-il, selon ce que me dit ma mère, mon frère avait un an de plus. Mais
cette année, un an après, nous avons le même âge.
58. Le même ciel
Nasreddin Hodja dit un jour aux fidèles de Konya :
— Savez-vous que le ciel de Konya est le même que le ciel d’Aksehir ?
— Comment le sais-tu ?
— Parce qu’il y a autant d’étoiles à Konya qu’à Aksehir.
68. Ma droite et ma gauche ?
Une nuit, la femme de Nasreddin Hodja le réveilla et lui demanda :
— S’il te plaît, donne moi le chandelier qui est à ta gauche.
Agacé il répondit :
— Comment puis-je savoir où sont ma droite et ma gauche dans cette obscurité ?
82. Le secret d’une bonne santé
On demanda à Nasreddin Hodja :
— Que faut-il faire pour être toujours en bonne santé ?
Et lui :
— Garder les pieds au chaud, la tête fraîche, et surtout ne jamais penser.
83. Jusqu’à quand ?
A quelqu’un qui lui demandait :
— Hodja, jusqu’à quand les hommes continueront à naître et à mourir ?
Nasreddin répondit :
— Jusqu’à ce que le paradis et l’enfer soient remplis.
92. L’échelle
Des prêtres demandèrent à Nasreddin Hodja :
— Comment votre Prophète a-t-il fait pour monter au ciel le jour p Nasreddin Hodja où lui a
été révélé le Coran ? Cela reste un mystère pour nous.
— Qu’y a-t-il de mystérieux ? Il est monté avec la même échelle que votre Prophète, Jésus !
95. Je cherche le sommeil
Un soir, Nasreddin Hodja tournait dans tout le pays. Le veilleur de nuit lui demanda :
— Où vas-tu ? Que cherches-tu ?
Et Nasreddin :
— J’ai perdu le sommeil et je le cherche.
108. Décide-toi
Nasreddin Hodja, à court d’argent, décida de vendre des légumes. Il chargea deux
grands paniers sur son âne et commença à parcourir les rues. Mais à peine criait-il
« Légumes », que l’âne se mettait à braire et couvrait sa voix.
Une fois, deux fois, Nasreddin en eut assez et cria :
— Décide-toi. Qui vend des légumes : toi ou moi ?

Tard dans la nuit, Mollah Nasreddine était dans la rue à tourner en rond sous un lampadaire.
Son voisin, qui rentrait d'une longue soirée, passa près de lui.
- Que fais-tu, Nasreddine, si tard ?
- J'ai perdu la clé de ma maison.
- Ne t'inquiète pas, je vais t'aider à la retrouver.
Le voisin se mit à chercher avec Nasreddine.
Ils regardèrent partout, sous les pierres, sous les feuilles mortes, dans la poussière, mais en vain. Il n'y avait aucune trace de la clé.
- Dis-moi, Nasreddinne, es-tu sûr d'avoir perdu ta clé ici ?
- Non, je l'ai perdue dans l'autre rue, là-bas.
- Mais alors, pourquoi la cherches-tu ici ?
- Parce que là-bas, il fait sombre, alors qu'ici, il y a de la lumière

Le fils de Nasreddine avait treize ans. Il ne se croyait pas beau. Il était même tellement complexé qu'il refusait de sortir de la maison.
« Les gens vont se moquer de moi », disait-il sans arrêt. »
Son père lui répétait toujours qu'il ne fallait pas écouter ce que disent les gens parce qu'ils critiquent souvent à tort et à travers, mais le fils ne voulait rien entendre.
Nasreddine dit alors à son fils : « Demain, tu viendras avec moi au marché. »
Fort tôt le matin, ils quittèrent la maison.
Nasreddine s'installa sur le dos de l'âne et son fils marcha â côté de lui.
A l'entrée de la place du marché, des hommes étaient assis à bavarder. A la vue de Nasreddine et de son fils, ils lâchèrent la bride à leurs langues : « Regardez cet homme, il n'a aucune pitié ! il est bien reposé sur le dos de son âne et il laisse son pauvre fils marcher à pied. Pourtant, il a déjà bien profité de la vie, il pourrait laisser la place aux plus jeunes. »
Nasreddine dit à son fils : « As-tu bien entendu ?
Demain, tu viendras avec moi au marché. »
Le deuxième jour, Nasreddine et son fils firent le contraire de ce qu'ils avaient fait la veille : le fils monta sur le dos de l'âne et Nasreddine marcha a côté de lui. A l'entrée de la place, les mêmes hommes étaient là. Ils s'écrièrent à la vue de Nasreddine et de son fils :
« Regardez cet enfant, il n'a aucune éducation, aucune politesse. Il est tranquille sur le dos de l'âne, alors que son père, le pauvre vieux, est obligé de marcher à pied ! »
Nasreddine dit à son fils : « As-tu bien entendu ? Demain, tu viendras avec moi au marché ! »
Le troisième jour, Nasreddine Hodja et son fils sortirent de la maison à pied en tirant l'âne derrière eux, et c'est ainsi qu'ils arrivèrent sur la place. Les hommes se moquèrent d'eux :
« Regardez ces deux imbéciles, ils ont un âne et ils n'en profitent même pas. Ils marchent à pied sans savoir que l'âne est fait pour porter les hommes. »
Nasreddine dit à son fils : « As-tu bien entendu ? Demain, tu viendras avec moi au marché ! »
Le quatrième jour, lorsque Nasreddine et son fils quittèrent la maison, ils étaient tous les deux juchés sur le dos de l'âne. A l'entrée de la place, les hommes laissèrent éclater leur indignation.
Regardez ces deux-là, ils n'ont aucune pitié pour cette pauvre bête !
Nasreddine dit à son fils : « As-tu bien entendu ? Demain, tu viendras avec moi au marché ! »
Le cinquième jour, Nasreddine et son fils arrivèrent au marché portant l'âne sur leurs épaules.
Les hommes éclatèrent : de rire : « Regardez ces deux fous ; il faut les enfermer. Ce sont eux qui portent l'âne au lieu de monter sur son dos.
Et Nasreddine dit à son fils :
« As-tu bien entendu ? Quoi que tu fasses dans ta vie, les gens trouveront toujours à redire et à critiquer. Il ne faut pas écouter ce que disent les gens. »
3. Médecin
Nasreddine avait envie d'apprendre la médecine.
Il alla voir le médecin le plus célèbre de sa ville et lui fit part de son désir :
« Tu tombes bien, lui dit le médecin, je vais visiter quelques malades ; viens avec moi, tu pourras ainsi apprendre le métier sur le terrain. »
Nasreddine accompagna le médecin chez le premier malade.
Le médecin regarda à peine le patient et lui dit :
« Ton cas est très simple : ne mange plus autant de cerises, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras guéri. »
Nasreddine Hodja était plein d'admiration.
Dans la rue, il ne tarit pas d'éloges :
- Ô maître, vous êtes vraiment un grand médecin. Comment, sans toucher le malade, avez-vous pu deviner de quoi il souffrait ?
- C'est très simple, lui répondit-il, j'ai regardé sous le lit et j'ai vu qu'il y avait un gros tas de noyaux de cerises. J'en ai déduit qu'il en avait trop mangé.
Le Nasreddine se dit que la médecine était plutôt simple et qu'il pouvait l'exercer à son tour.
Il se déclara médecin et, dès le lendemain, alla visiter son premier patient. Il entra, regarda sous le lit
et ne vit que les vieilles babouches du malade:
« Ton cas est simple, lui dit-il, ne mange plus autant de babouches, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras tout à fait guéri. »
4. Les marmites
Nasreddine vint frapper un jour à la porte de sa vieille voisine Fatima
- Ma soeur ! Peux-tu me prêter une de tes marmites ? J'en ai besoin pour faire mon repas.
- Bien sûr, lui dit-elle, je vais te la chercher.
La voisine revint avec une marmite de taille moyenne qu'elle donna à Nasreddine.
Le lendemain, Nasreddine posa une petite marmite à l'intérieur de la première et frappa à la porte de sa voisine.
- Merci beaucoup, ma soeur. Voilà ta marmite, elle m'a rendu un grand service.
- Mais, Nasreddine, la petite n'est pas à moi
- Mais si ! La nuit, ta marmite a accouché d'une petite. C'est sa fille, donc elle te revient de droit.
La voisine se moqua de la crédulité de Nasreddine, mais fut contente de gagner une petite marmite.
Trois jours plus tard, Nasreddine frappa à nouveau à la porte de sa voisine.
Petite sœur, peux-tu encore me prêter une de tes marmites ?
- Avec joie, lui répondit-elle. Je m'en vais te prêter la plus grande et la plus belle.
La voisine espérait, en son for intérieur, récupérer une deuxième belle marmite.
Nasreddine prit la grande marmite, remercia sa voisine et rentra chez lui.
Deux jours passèrent, puis quatre, puis sept, sans aucune nouvelle de Nasreddine.
La voisine commença à s'inquiéter sérieusement.
Elle finit par frapper à la porte de son voisin.
- Petit frère, lui dit-elle, tu as oublié de me rendre ma marmite.
- Je n'ai point oublié, mais je ne savais pas comment t'annoncer la mauvaise nouvelle.
En vérité, alors qu'elle accouchait, ta belle marmite est morte la nuit dans des souffrances abominables.
- Ne serais-tu pas en train de te moquer de moi, Nasreddine ? Où a-t-on entendu parler de marmite qui meurt ?
- Malheureusement, voisine, dans la vie, tous ceux qui enfantent meurent un jour. Tu as bien accepté que ta première marmite accouche, il faudra bien admettre maintenant que la seconde est morte.
Et Nasreddine garda la grande marmite.
5. Garder la porte
Nasreddine n'avait encore que dix ans.
Nasreddine n'avait encore que dix ans.
Sa mère lui dit un jour :
- Je dois partir au marché. Pendant mon absence, fais bien attention aux voleurs et, surtout, ne quitte pas la porte, sinon ils risquent de dévaliser toute la maison.
- Sois tranquille, mère, j'y veillerai.
Une heure après, la mère voit son fils se promener sur le marché avec la porte de la maison sur le dos.
- Malheureux ! que fais-tu avec cette porte ?
- J'avais envie de sortir, et puisque tu m'as recommandé de ne pas quitter la porte, je l'ai enlevée et je l'ai prise avec moi.
6. Les dix ânes
Nasreddine décida un jour de devenir commerçant. Il partit au marché de la ville, où il acheta dix ânes.
Sur le chemin du retour, alors qu'il était en pleine campagne, il commença à s'inquiéter : « Il y a beaucoup de voleurs dans cette région, il vaut mieux que je vérifie si on ne m'a pas déjà volé. »
Et, joignant le geste à la réflexion, il se retourna et entreprit de compter ses ânes.
Mais ne voyant pas celui sur le dos duquel il était assis, il ne compta que neuf ânes.
« Malheur ! s'écria-t-il, on m'a volé un âne. »
Et, sautant à terre, il courut vers les collines â la poursuite des voleurs. Il chercha longtemps, mais il ne trouva personne. Alors, il revint tristement rejoindre ses ânes. Et là, quelle ne fut pas sa surprise de voir ses dix ânes qui l'attendaient paisiblement !
« Ha ! ha ! se dit-il, les voleurs ont eu peur de moi et ils ont préféré me rendre l'âne qu'ils avaient volé. »
Fier et rassuré, Nasreddine enfourcha son âne et reprit son chemin, suivi par les neuf autres. Trois cents mètres plus loin, il se dit « Et si les voleurs étaient revenus, profitant de ma grande confiance ? »
Il se retourna et compta ses ânes. Il en trouva neuf.
« Malheur ! s'écria-t-il, ils ont recommencé ! Mais je les rattraperai ! » Et, sautant terre, il se mit à courir dans tous les sens sans trouver la moindre trace des voleurs. « Cette fois-ci, ils m'ont eu », se dit-il en revenant sur ses pas.
Sa surprise fut grande en arrivant près de ses ânes : ils étaient dix !
« Les voleurs ont eu peur de moi encore une fois », pensa-t-il.
Nasreddine réfléchit longuement. Il se dit « C'est simple, chaque fois que je suis sur le dos d'un âne, les voleurs en profitent pour m'en subtiliser un autre ; il vaut mieux que je continue à pied pour leur faire échec. »
Et c'est ainsi qu'il arriva chez lui, transpirant et épuisé, mais fier d'avoir déjoué le plan des voleurs.
Il raconta l'aventure à sa femme, qui poussa un grand soupir et dit : « En regardant bien, je ne vois pas dix ânes, mais onze ! »
7. La parole de l'âne
Nasreddine était assis devant sa maison, lorsqu'un voisin s'approcha de lui
- Bonjour Nasreddine, peux-tu me prêter ton âne pour que j'aille faire mes courses ?
- Malheureusement, mon cher ami, mon âne n'est pas là aujourd'hui.
A l'instant même, l'âne se mit à braire de l'autre côté de la maison.
Furieux, le voisin se retourna vers Nasreddine
- Comment prétends-tu être mon ami alors que tu refuses de me prêter ton âne ?
- Mais je viens de te dire qu'il n'est pas !
- Arrête de mentir, je l'entends d'ici.
- Tu me déçois, voisin, comment peux-tu, à ton tour, te prétendre mon ami alors que tu attaches plus d'importance à la parole d'un âne qu'à la mienne !
8. La viande et le chat
Un jour, Nasreddine acheta un kilo de viande qu'il porta à sa femme.
Prépare-la pour midi, lui dit-il avant de partir retrouver ses amis au Café.
La femme se mit à cuisiner, mais elle ne put résister longtemps à la bonne odeur du plat.
Elle mangea un petit morceau de viande, puis un autre, et encore un autre, puis finit par manger la viande tout entière. Lorsque son mari revint, elle lui présenta un plat vide.
- Où est passée la viande ? demanda Nasreddine.
C'est le chat qui l'a mangée, assura la femme.
Nasreddine s'approcha du petit chat qui somnolait innocemment dans un coin, il l'attrapa et le mit sur la balance. Le chat pesait exactement un kilo. Nasreddine montra le chat à sa femme et lui dit :
- Si c'est le chat, dis-moi où est passée la viande ? Et si c'est la viande, où est passé le chat ?
9. Le nez et le ventre
Nasreddine Hodja était tranquillement assis devant sa maison. C'est alors que son voisin, plié en deux, vint le consulter
- Nasreddine ! Je n'ai pas dormi de la nuit.
J'ai l'impression que des couteaux déchirent mon ventre.
- Assieds-toi et dis-moi : qu'as-tu mangé hier soir ?
Hier soir j'ai mangé de la viande. Je l'avais achetée il y a trois semaines et je l'avais posée sur l'appui de la fenêtre, au soleil.
- C'est très bien ! Et qu'as-tu bu avec ta viande ?
- Ah si je me rappelle : j'ai bu du lait. Je I'avais acheté en même temps que la viande et je l'avais oublié aussi â la fenêtre.
- Ton cas est très simple, lui dit Nasreddine.
Attends-moi un peu.
Nasreddine entra dans sa maison et revint avec un peu de pommade.
Voilà, cher voisin, mets de la pommade sur ton nez, trois fois par jour. Au bout de trois jours, tu seras guéri.
Mais, Nasreddine, ne serais-tu pas en train de te moquer de moi ? Je te dis que j'ai mal au ventre et tu me donnes une pommade pour mon nez.
- Je t'assure, cher voisin, que si ton nez était en bonne santé, tu n'aurais jamais mangé cette viande, ni bu ce lait.
10. Les tigres
Un matin, très tôt, Nasreddine était occupé à jeter du sel tout autour de sa maison.
- Mais que fais-tu, Nasreddine, avec tout ce sel ? lui dit son voisin.
- J'en mets autour de ma maison pour éloigner les tigres.
- Mais il n'y a pas de tigres ici.
- Eh bien, c'est la preuve que le sel a fait son effet !
11. L'omelette
Nasreddine invita un jour son voisin à dîner.
Il avait préparé des langues d'agneau avec du persil et du citron.
Le voisin s'offusqua en voyant le plat.
- Ah, non ! dit-il. Je ne mange jamais ce qui sort de la bouche des animaux, je trouve ça vraiment dégoûtant.
- Qu'à cela ne tienne, répondit Nasreddine, je vais te préparer une omelette.
12. Le partage
Un jour, la femme de Nasreddine dit à son mari :
- La vie dans le village est devenue intolérable : la moitié des gens est très riche, pendant que l'autre moitié n'a pas de quoi manger.
Si toi, qui es respecté de tous, tu arrivais à les convaincre de partager leurs richesses, alors, tout le monde pourrait vivre heureux.
- Tu as absolument raison, femme, j'y vais de ce pas.
Le Hodja quitta sa maison et ne revint que le soir, complètement épuisé.
- Alors ? l'interrogea sa femme.
- Alors, j'ai réussi à convaincre les pauvres !
13. L'odeur de la viande
Mustapha n'avait plus un sou. Impossible d'acheter quelque chose pour garnir son pain.
Dans une rue, il passa devant un homme qui faisait des grillades. Il approcha son pain du fumet, en se disant : « Ainsi, mon pain aura peut-être un peu de goût. » Mais l'homme se redressa d'un coup, empoigna Mustapha comme on attrape un voleur et lui demanda une pièce d'un dinar.
- Pour quelle raison ? dit Mustapha, étonné.
- Tu as pris un peu de l'odeur de ma viande ; il faut que tu me la payes.
Les deux hommes se disputèrent longtemps.
Ils finirent par aller voir Nasreddine, qui les écouta attentivement.
Nasreddine réfléchit, puis il sortit un dinar du sa poche, le fit tinter par terre avant de le remettre tranquillement â sa place, et dit à l'homme :
- As-tu entendu te tintement de mon dinar ?
- Bien sûr, dit l'homme.
- Eh bien, garde le, c'est le prix du fumet de ta viande.